J’ai modifié mon univers de visages. Je l’ai voulu rempli de silhouettes de femmes aux costumes chatoyants. J’ai voyagé encore plus loin. Je suis arrivée en Inde et je vous ai rencontrées assises et regardant la mer, dans la région de Madras. Vous me tourniez le dos. Vos saris étaient impressionnants de couleurs et de lumière. J’ai tout pris. J’ai essayé de respecter les mouvements et les ombres de vos jupes étincelantes, de reproduire la transparence de vos voiles. Vous étiez là, toutes les quatre, attendant peut-être vos jeunes prétendants, vous racontant des histoires comme toutes les filles aiment à se raconter ou tout simplement pour le plaisir d’être ensemble et de regarder à l’infini la beauté du monde.
Je suis restée quelques temps sur ce continent. J’ai trouvé d’autres photos, d’autres sourires. Je t’ai choisie, jeune femme de Rajasthan. Tu portais un fagot de branchages sur ta tête . Tes yeux grands ouverts fixaient un point devant toi. Tu portais des boucles d’oreilles et un collier avec des éléphants en argent. Ton voile aux broderies et couleurs pourpres s’agitait dans le vent. J’ai vieilli ton visage pour que ta charge soit moins lourde. Tu n’es qu’une enfant et tu ne devrais pas avoir de fardeau à porter. J’ai supprimé ton sourire et t’ai donné des lèvres nostalgiques. Tu penses que ta fille devra peut-être subir le même sort que toi, celui des paysannes que la vie au grand air et dans les champs vieillit prématurément. Tu voudrais un monde meilleur, un monde où les enfants devraient pouvoir jouer et se libérer du joug et du poids de certaines civilisations encore endormies ou dominées. Ce monde viendra un jour!