J’ai erré quelques temps à la recherche de nouveaux visages. Je me suis promenée et je t’ai rencontrée, jeune beauté népalaise, posée, hautaine sur un présentoir à photos. Tu regardais ce monde nouveau où tu avais été projetée, par-dessus ton épaule et tu me fixais avec mépris. Il faut dire qu’à ce moment-là, j’étais dans la peau d’un autre personnage et ton regard de braise me plongeait directement dans les flammes de l’enfer. J’ai travaillé de nuit sur ton visage pour accentuer les couleurs , des orangers, des bruns et des ocres. J’ai creusé tes traits, cerné tes yeux noirs, durci le rictus de ta bouche et je t’ai laissée comme ça, pendant deux longues journées. Et puis, quand je me suis réconciliée avec mon autre moi, j’ai changé l’expression de ton regard, adouci les contours de tes lèvres. Je t’ai redonné ta vie sans t’inventer d’histoire, belle Rana Thani car tu avais fait partie de la mienne pendant quelques heures et tu m’avais aidée à surmonter une infinie tristesse.